Digression 3

Les axiomes de l’existence : une défense provisoire

Ces deux axiomes pourraient servir à élaborer une justification rationnelle (c'est-à-dire, non religieuse) de l’amour et de la morale.  Il y en aura qui ne verront pas de promesse dans de tels axiomes.  Ils diront peut-être :

– Tu dois donc respecter plus un Québécois qu’un Chinois, un noir ou un juif.  Tu ressens plus d’affinité pour un chimpanzé et pour un chien que pour un objet inanimé.  Ainsi tu refuseras de torturer un chien, mais tu mangeras tout de même de la poule.  Et, comment saurais-tu t’interdire de faire d’un noir un esclave bien traité – et lui de même avec toi –, en admettant que tu sois non pas assez ignoble pour le penser inférieur à toi, mais simplement différent de toi ?

À une telle question, on pourrait commencer par répondre :

  1. que l’agressivité, – à laquelle j'attribue une valeur technique particulière qui se résume à l'instrumentalité –, n’est jamais entièrement exclue des rapports « intraspécifiques » ;
  2. qu’effectivement, la morale peut bien exiger que nous ayons des devoirs envers nos proches que nous n’aurions pas envers nos relations lointaines ;
  3. mais que néanmoins, quoi qu'il y ait des devoirs de familles ou de communauté qui puissent primer sur des devoirs d'humanité, rien n'empêche que ces derniers, bien pensés, excluent les hypothèses, comme celle de l'esclavage, envisagées dans l'objection, etc.

Toutefois, ce n'est pas le moment de répondre à ce genre d'objection, encore moins de soutenir un discours, comme nous pourrons le faire plus tard, où il nous serait possible d'employer des mots simples comme « devoir » ou « morale » sans que ceux-ci ne soient chargés des préjugés sophistiques d'une modernité écartée.  Pour le moment, le thème principal qui nous préoccupe est, encore une fois, celui des conséquences en morale qu'ont pu avoir les idées communes à propos du corps et de son rapport à l'esprit.

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