Description de ce qu'implique le concept de noumène, tout être tel qu'il existe indépendamment des représentations mentales.  : Arrêter la musique



 

 Entête : Penser la chose en soi 
 PHARE

Dernières modifications :
14 novembre 2001

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1

Qu'est-ce que la chose en soi ?  La chose en soi, ou le noumène, est la chose telle qu'elle existe en dehors de toute représentation mentale que nous pouvons en avoir. Il s'agit d'un concept simple et même nécessaire du point de vue de tout être de représentation.


2

La difficulté la plus immédiate que pose ce concept est celle de son apparente futilité.  Pourquoi s'interroger sur ce qui reste impensable ?  Toutefois, le concept de noumène, d'inutile en toute autre circonstance, gagne une importance primordiale du moment que la différence entre le noumène et le phénomène est pensée comme modèle pouvant nous permettre de comprendre la différence entre l'esprit et le corps, entre l'esprit et la matière.


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Le domaine du noumène n'est pas un horizon à la connaissance, comme un domaine qui se rétrécirait au fur et à mesure que notre degré de connaissance augmente.  Le noumène est, en un certain sens, sans rapport avec la connaissance, car il est autre que la connaissance, il n'est que ce qui produit en nous une connaissance, image ou idée quelconque.


4

Première analogie : nous ne voyons que la lumière que reflètent les objets, et non les objets mêmes ; nous ne connaissons que les effets que les choses ont sur nous, et non les choses mêmes.  Cela est faux en un sens pratique, mais vrai dans un sens analogique et dans un contexte métaphysique.


5

Objet représenté et représentation sont deux êtres différents de natures différentes.  Deuxième analogie : la différence entre la représentation et le noumène comparée à la différence entre la photographie d'un parent, feuil de chimiques photosensibles, et un sujet photographié, être organique chargé de dessins et de désirs.


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Ces deux analogies suggèrent que l'être de la représentation et l'être de l'objet sont distincts et suggèrent, de plus, que l'un et l'autre ont une nature différente.  Peu s'en faut pour imaginer qu'il puisse y avoir plus de nature dans l'objet que dans sa représentation.


7

Cela est faux en un certain sens, parce que la représentation est elle-même un être en soi, ce qui, d'ailleurs, est de la plus haute importance ; car l'hypothèse selon laquelle la représentation (c'est-à-dire la conscience) est un être réel, donc un être nouménal, est la plus fructueuse qui soit par rapport à la réflexion qui porte sur la différence entre l'esprit et le corps.  Ce qu'il faut dire plus précisément est que, dans la représentation, il y a beaucoup moins du noumène représenté qu'il ne s'en trouve dans le noumène comme tel.


8

Prenons l'exemple d'un Magritte où figure une pipe, tableau que le peintre a intitulé Ceci n'est pas une pipe.  Un garçon qui remarquait que, effectivement, ce n'est pas là une pipe mais la « photo » d'une pipe, a compris le tableau.  Il y a plus de pipe dans une vraie pipe qu'il ne s'en trouve dans le portrait d'une pipe.


9

La représentation est une traduction qui ne peut saisir que des aspects limités de l'objet.  Mais comprenant cela, il ne faut pas glisser à nouveau dans le piège qui consiste à chercher à savoir à quel point nos conceptions sont représentatives de la réalité en soi.  Car, aurions-nous une infinité de connaissances à propos d'un objet, nous n'aurions encore rien de plus qu'une infinité de « connaissances » à propos de la manière dont un objet nous affecte, à propos de notre nature plus que de la sienne.


10

Troisième analogie : l'idée du monde comparée à la carte d'une ville.  Une carte géographique déforme, schématise et, par là, appauvrit la réalité, et ce dans un but pratique. Notre cerveau en fait autant avec la réalité externe.  La différence entre le monde plein d'être, charnu, et l'idée que nous en avons pourrait se comparer à la différence entre la carte d'une ville et la ville réelle débordant de vie et constituée de milliards et de milliards de faits divers.



   ... Conclusion

 




ADDENDA :

LE CONTEXTE MÉTAPHYSIQUE :
UN RÉALISME « PHÉNOMÉNOLOGIQUE »
11

L'idée de chose en soi dépend d'une pensée métaphysique particulière qu'on pourrait nommer « réalisme phénoménologique ».  Ce réalisme prend l'expérience pour acquise : il cherche ce que nous pouvons déduire de la structure de notre expérience, peu importe le statut métaphysique de cette expérience : illusion, rêve, révélation ou autre.  Plus précisément, l'unique question qui nous préoccupe ici est de savoir si, dans la structure de notre expérience telle qu'elle se présente à nous, il y a effectivement une distinction à faire entre la chose en soi et son apparence.


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Or, c'est là une distinction que nous impose, en effet, la structure de notre expérience.  Telle que notre expérience se présente à nous, il est évident que nos impressions sont distinctes des objets qu’elles semblent représenter.  Ce que nous ressentons est toujours notre nature en tant qu’elle est affectée par la nature d’un quelconque objet, et jamais la nature de cet objet comme telle.  Sentir signifie interpréter les effets que les objets ont sur notre nature ; c'est là, du moins, ce qu'il nous faut croire à partir du moment où nous prenons pour acquise la structure de notre expérience telle que celle-ci se présente à nous.


13

Ces principes, qui partent de l'idée de la conscience en tant que représentation, n'entrent pas en conflit avec des philosophies qui mettent l'accent sur un être originaire en deçà de la représentation.  Car l'être de la représentation n'est pas un être représenté. Celle-ci constitue donc déjà un être originaire.


14

On pourrait reprocher à ce réalisme de manquer de profondeur.  Même si cette critique était fondée — ce qui n'aurait rien de surprenant — cela ne constituerait pas en soi un tort, car cela n'en ferait nullement une pensée fausse.  Sans compter qu'un système complexe est souvent un abri idéal pour le mensonge.


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Conclusion.  Le réalisme phénoménologique dépeint ici n'est pas le réalisme le plus élémentaire qui soit, mais il représente le minimum de complexifications qui soient nécessaires pour nous permettre de trouver, en introduisant le concept de noumène, une réponse cohérente et naturaliste au défi auquel nous confronte le dualisme opposant la matière à l'esprit.


 

Résumé synthétique

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